Dia Internacional da Tradução / International Translation Day / Journée internationale de la traduction 2025

O jornalista Pierre Godon lembra-nos do peso da IA no mundo editorial em França.
Imagem espetacular de Pauline Le Nours, designer gráfica editorial da franceinfo.


 

 

 

 

 

 

 

 «Certains éditeurs se fichent de sortir un livre pourri»

S'ils avaient dû manifester, ils auraient laissé tomber le trajet classique entre Bastille et Nation pour un parcours de la rue Littré à la rue Larousse, deux artères du sud de Paris célébrant des auteurs de dictionnaires. Mais la grève des traducteurs, mardi 30 septembre, se fera à bas bruit. A l'appel du collectif IA Alerte générale, ces professionnels sont invités à délaisser stylos et claviers pour vingt-quatre heures à l'occasion de la Saint-Jérôme, le saint patron de la profession. Une première pour ce corps de métier. "Comme pour tous les emplois de gens qui bossent de chez eux en pyjama avec un chat sur les genoux, c'est dur de se faire entendre", ironise Charles Recoursé, à qui on doit la version française du roman-fleuve Le Déluge de Stephen Markley. La menace n'a pourtant jamais été aussi prégnante.

Traducteur, c'est un job foncièrement précaire et sans évolution salariale notable. Un vieux routier du Harrap's est payé au tarif syndical, autant qu'un petit jeune qui a à peine usé son premier dico. "La différence se fait sur la vitesse de traduction, glisse Dominique Defert, la plume française de Dan Brown ou John Grisham. On est payés 24 euros la page. Pour bien vivre, il faut que j'en traduise dix par jour." Il faut parfois surmonter le mot récalcitrant, le terme technique casse-tête. "Dans mon cas, c'était du vocabulaire lié aux opérations de déminage des GI's en Afghanistan au début des années 2000", se rappelle Charles Recoursé.

Deux solutions : dénicher un ancien démineur bilingue ou depuis peu demander de l'aide à... l'intelligence artificielle. Des logiciels comme DeepL ou ChatGPT ont fait des progrès de géants dans la traduction, ce qui place les traducteurs au premier rang des professions menacées, selon une étude menée par Microsoft(Nouvelle fenêtre) à l'été 2025. Même les optimistes sont bluffés par les possibilités de la machine. Et ce, quelle que soit la langue concernée. "C'est comme un assistant personnel", décrit Virgile Iscan, qui a développé une relation de travail soutenue avec le célèbre logiciel d'Open AI lors d'une traduction épique de sous-titres d'un film d'animation japonais à rendre dans un temps record. "Il était presque devenu le miroir de mon âme." 

Lost in traduction

Miroir, mon beau miroir, dis-moi si ChatGPT, va prendre ma place ? Outre-Manche, le constat est déjà terrible : un tiers des traducteurs britanniques ont perdu leur emploi, selon une étude de la British Society of Authors(Nouvelle fenêtre). Un terme fait frémir toute la profession : la post-édition, comprenez, remettre en bon français un texte prémâché par IA. "On me le propose régulièrement, soupire Céline, une traductrice spécialisée dans la romance. Ce travail est rébarbatif, mal rémunéré, et particulièrement chronophage. Il faut souvent tout réécrire." Dégoûtée, précarisée, elle songe à changer de métier.

Tout sauf un cas isolé. "Quand j'explique à mes clients que ça serait bien plus qualitatif de traduire un texte de A à Z plutôt que de repasser après DeepL, ils le conçoivent. Mais quand j'envoie mon devis, ils le conçoivent moins", se désole Ludivine Toutenhoofd, qui collabore souvent avec des auteurs auto-édités. Sur son blog La Relectrice(Nouvelle fenêtre), elle assume avoir capitulé : "La question de savoir si l'IA me vole mon job de traductrice ne cherche plus de réponse. C'est oui."

 Vu de l'extérieur, la menace apparaît encore plus prégnante pour les livres dits pratiques, qui pèsent un solide 12% du marché du livre(Nouvelle fenêtre) en France. DeepL ne pourrait-il pas transposer "coupez les carottes et versez-les dans la casserole" à la place d'un être humain ? "Pour des petits textes simples, l'IA peut faire une grosse partie du travail", reconnaît Véronique Corre-Montagu, traductrice attitrée du prolifique chef britannique Jamie Oliver. Mais il va lui manquer un peu de sel pour relever l'écriture. Pour la plume française du "naked chef" british, "le style, la personnalité, la façon de parler" d'un grand chef imposent un regard, une sensibilité et donc une traduction humaine.

Une technologie à la page

Dans les faits, la relève de la traduction doit déjà composer avec l'IA. Comme pour les illustrateurs et les cinéastes, ceux qui vont payer les pots cassés sont les plus jeunes arrivants sur le marché du travail. "Les masters spécialisés dans la post-édition se multiplient", fulmine Margot Nguyen-Béraud, présidente du collectif En chair et en os(Nouvelle fenêtre). "On va former les jeunes à cette low-translation, sous prétexte que cette technologie est à la mode." Avec, en filigrane, le risque d'une édition à deux vitesses, entre la grande littérature ciselée par des humains dans la langue de Molière et des genres jugés mineurs à la traduction bancale.

"En France, on n'a pas été habitués à de bonnes traductions", souligne Charles Recoursé. Les amateurs de polars ont connu, dès la deuxième moitié du XXe siècle, des textes rabotés arbitrairement et des bizarreries langagières, dénonce le traducteur du Déluge. Plus récemment, le rayon romance en a aussi fait les frais. "L'éditeur se fiche de sortir quelque chose de pourri. Il y a des livres que je n'arrive pas à lire en VF", s'insurge Cécile Fruteau, également enseignante à l'Institut européen des métiers de la traduction. Imaginez si l'IA s'en mêle, DeepL n'étant pas précisément réputé pour son style flamboyant. "On risque d'assister à un abaissement du seuil d'exigence des éditeurs et du lectorat",

Aucun éditeur tricolore ne s'est vanté d'avoir eu recours à l'IA à ce jour. "Je sais que le mien compare ce que je fais avec DeepL pour voir s'il ne pourrait pas rogner sur les coûts", glisse une professionnelle de la VF. "Ce n'est toujours pas le cas." Dans d'autres pays où le livre a moins valeur de totem culturel, des maisons d'édition ont franchi le pas. Comme VBK aux Pays-Bas(Nouvelle fenêtre), une filiale de Simon & Schuster, mastodonte du secteur. "Ils pensaient vraiment être perçus comme une entreprise innovante, relate la traductrice Anne Marie Koper, ancienne responsable de l'Auteursbond, la société des auteurs néerlandais. Quand ils se sont rendu compte que les gens ne manifestaient guère d'enthousiasme, ils ont fait profil bas." Contacté par franceinfo, VBK est resté de marbre sur le devenir de ce projet "qui concernait des auteurs de fond de catalogue, qui ne pouvaient pas refuser ce statut de cobaye", dénonce Anne Marie Koper.

La France résiste à l'envahisseur

On trouve aussi sur le marché la société suédoise Nuanxed, qui se vante de pouvoir traduire un livre en trois semaines quand un humain penché sur son dictionnaire mettrait trois mois. "Nous ne dévoilerons pas la recette de notre sauce secrète", botte en touche Yves Vermeulen, le cofondateur de l'entreprise, qui en détaille quand même quelques ingrédients : un logiciel d'IA adapté au langage recherché, un traducteur expérimenté pour superviser la machine, et un éditeur pour polir le travail final. "L'IA n'est qu'un support pour nos traducteurs, nos éditeurs et nos relecteurs. C'est d'eux dont dépend la qualité du produit fini." Nuanxed revendique d'avoir publié des bouquins pour le marché francophone, mais refuse de révéler quel titre ou éditeur. 

La traductrice Laura Haydon, qui a travaillé pour eux, n'en garde pourtant pas un bon souvenir : "Ils se sont plaints de la vitesse à laquelle je travaillais. Ils s'attendaient à une vitesse de 1 000 mots à l'heure quand j'en faisais 800. Et c'était déjà beaucoup, quand on considère qu'il faut un peu de créativité..." Pour les plus petites bourses, il existe même un logiciel, BookTranslate.ai(Nouvelle fenêtre), capable de traduire un livre pour 100 euros, mis au point par le Hongrois Balint Taborsky. Lequel assume de compresser les coûts, pour avoir été éditeur dans une autre vie : "J'ai fabriqué l'outil dont j'aurais eu désespérément besoin, face au mur des dépenses incompressibles et aux recettes aléatoires." 

Comment faire la différence dans ce cas ? Un label "Traduction biologique" pour les livres 100% humains, comme cela existe déjà en BD ? "Un gadget, balaie Margot Nguyen-Béraud. Ce qu'on réclame depuis cinquante ans, c'est d'afficher le nom du traducteur sur la couverture. Ça, ça nous protégerait." Philippe Robinet, PDG des éditions Calmann-Lévy, a pris cette décision pour les vingt ouvrages étrangers qu'il publie chaque année : "Quand on écoute un concerto de Mozart par Renaud Capuçon, son interprétation sera différente de celle d'un autre musicien. Pour la traduction, c'est pareil. Ce qu'on veut faire, c'est remettre l'humain au centre."

Une démarche encore isolée. Un cycle de négociations entre traducteurs et éditeurs va débuter en octobre pour aboutir à une nouvelle mouture du code des usages, où il pourrait être question d'IA. Selon le Syndicat national de l'édition, les éditeurs ne sont pas tous d'accord entre eux.

Reste que pour ceux qui se veulent "vertueux", il existe une solution juridique, que décrit Lauriane Crettenand, traductrice spécialisée en romance : "Mon contrat stipule précisément que je n'ai pas le droit de faire appel à l'IA." Son éditeur, Le Seuil, entend redonner ses lettres de noblesse à un genre sinistré. "Les bons éditeurs qui valorisent l'humain, l'émotion et la qualité du texte, ça existe encore", veut-elle croire.


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